jeudi 7 février 2008

Composition marine

L'océan Indien est fidèle à sa réputation : imprévisible ! Pour preuve, un anticyclone se glisse sous l'Afrique et une très grosse dépression envoie une méchante houle jusqu'au Nord du 40°... Groupama 3 doit donc composer avec une mer par le travers qui rend la navigation inconfortable, fatiguant hommes et bateau.



Paradoxe de la navigation à voile : alors que Groupama 3 aligne une belle journée de près de 620 milles à 26 noeuds de moyenne, le trimaran géant continue à perdre de son avance sur le temps de référence de Orange II ! Et l'hémorragie est sévère : la moitié des 600 milles accumulés il y a deux jours, a fondu pour n'être plus que de 290 milles en ce jeudi après-midi... Le « coup de mou » d'hier encaissé par l'équipage qui anticipait déjà cette « saignée », est toutefois passé et Franck Cammas, lors de la visioconférence de ce jeudi, apparaissait plus serein en expliquant que la « cicatrice » allait se refermer d'ici une demie journée...

« Il ne fait pas très beau et le vent et la mer sont très instables. Il y a sept mètres de creux, mais les vagues sont courtes et c'est difficile de savoir comment toiler le bateau car la brise change très vite, passant de 20 à 28 noeuds : il faut que nous limitions les chocs au maximum ! Ainsi le bateau va parfois très vite au dessus de trente noeuds et s'arrête brutalement : ce n'est pas évident à gérer... Nous avons encore douze heures difficiles, ensuite la houle va s'allonger puis diminuer. Nous sommes en train de faire cap à l'Est et le plus gros de la mer devrait passer devant nous. Vendredi, ça ira mieux ! »

Une foule de houles...

Au cours des tours du monde à la voile, en course ou en record, en solitaire ou en équipage, en monocoque ou en multicoque, la manière de naviguer a profondément changé. D'abord parce que les bateaux vont plus vite, ensuite parce que les marins sont plus expérimentés, enfin parce que les prévisions météorologiques sont nettement plus fiables et sur de plus longues périodes... Gérard Petipas, navigateur d'Eric Tabarly, le rappelait lors de la vacation radio : « un compas, un couteau et un baromètre, voilà ce que nous avions pour prédire le temps... ». Même son de cloche de la part d'Eric Loizeau, skipper de Gauloises II lors du tour du monde en équipage 1977-78, qui disposait seulement de cartes isobariques réceptionnées par fax... Les temps ont changé avec des fichiers numériques d'aujourd'hui qui permettent, non seulement de prévoir la force et la direction du vent sur les cinq voir sept jours à venir, mais aussi l'état de la mer.

« Les multicoques freinent en premier lieu à cause de la mer : on est facilement à trente noeuds mais dès qu'il y a des vagues, il faut réduire la toile pour limiter la vitesse et en conséquence, cela nous fait plus de vent apparent. C'est ce vent qui est dangereux quand il varie rapidement, générant des chocs dans la mer qui font passer le bateau de 25 à 15 noeuds en quelques secondes... D'autant plus sur un trimaran, car avec ses trois coques, il y a toujours une vague qui tape très fort le flotteur au vent ! Et les vibrations se répercutent dans toute la plateforme. Les coups sont assez impressionnants... » précisait le skipper de Groupama 3.

Or, quand après un front générant de la brise forte de nord-ouest, succède un coup de vent d'Ouest puis une tempête de Sud, ces trois trains de vagues forment un chaos pyramidal extrêmement violent et surtout très imprévisible. Cette « foule de houles » qui se mélange, compose une disharmonie ondulatoire redoutable pour les structures des multicoques, sans même parler des marins qui baignent dans les embruns, se fracassent sur les cloisons à l'intérieur et vibrent des tympans aux chevilles ! Rien de pire qu'un trimaran assaisonné à la sauce shaker... Heureusement, les multicoques ont la capacité d'accélérer pour se dégager du plus gros de la mer afin de retrouver des conditions de navigation plus performantes... Mais pour Franck Cammas et ses neuf équipiers, il faudra patienter jusqu'à l'ouverture du week-end !

( article : site Franck Cammas, Groupama 3 )

1 commentaire:

Stolvezen a dit…

Je lis les vents, je lis les houles et j'imagine sans peine à quel point ils doivent être secoués. J'espère pour eux qu'ils ne connaissent pas le mal de mer.
On peut avoir l'âme marine, le coeur océan et aimer naviguer sans pour autant être épargné par cet horrible mal :(